"La fatigue, c'est-à-dire la rupture de structures mécaniques sous l'effet de chargements cycliques, demeure une gageure technologique considérable, car elle survient de façon inattendue lorsque la structure fonctionne apparemment dans un régime stabilisé et sûr, sans signe extérieur de détérioration mécanique. Après avoir présenté ce contexte et les méthodes classiques de contrôle de la fatigue par émission acoustique (EA), une nouvelle méthode non destructive de détection spécifique de la propagation de fissures de fatigue est exposée à partir de multiplets acoustiques : signaux d’EA répétitifs, aux formes d'ondes quasi identiques. Des perspectives de contrôle en service sont ensuite proposées.
La fatigue est l’un des plus dangereux processus mécaniques menant à la rupture de pièces ou structures, rencontré dans diverses situations industrielles modernes allant des réacteurs nucléaires aux connexions microélectroniques. Cependant, nous ne disposons pas encore de méthodes non destructives ni d’indicateurs capables de prédire la durée de vie en fatigue, généralement encore estimée de nos jours à partir de relations empiriques telles que la loi de Manson-Coffin, qui relie le nombre NR de cycles à rupture en fatigue à l’amplitude de déformation plastique cyclique imposée Dep : N c R = ×Δ p −ε β. Le problème de ce type d’approche est que les paramètres c et b dépendent du matériau, ainsi que du mode de chargement (triaxialité par exemple), et doivent donc être déterminés par de nombreux essais de calibration. Cet article présente, dans différents matériaux métalliques, la détection de signaux d’émission acoustique spécifiques de la propagation de fissures par fatigue. Ces signaux, dénommés multiplets acoustiques, se caractérisent par des formes d’ondes quasi identiques, signature d’une source unique, et sont déclenchés de façon répétée sur de nombreux cycles de chargement successifs au même niveau de contrainte. Ils marquent la propagation lente et incrémentale d’une fissure de fatigue à chaque cycle, ou le frottement le long des surfaces de rupture. Étant spécifiques à la fissuration incrémentale par fatigue, ils peuvent être utilisés comme des avertissements précurseurs de la propagation des fissures, qui mènera en définitive à une rupture globale. Leur détection et leur caractérisation ouvrent ainsi la voie à un nouveau suivi fiable de l’apparition des fissures de fatigue lors d’essais mécaniques ou au sein de structures en service."